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La grève Alsthom de 1994

24 octobre - 25 novembre

PRELIMINAIRES :

        Dans le courant du premier semestre 1993, la société GEC-Alsthom avait transformé ses « divisions » par lignes de produits en filiales. Si bien que  l’usine Alsthom de Belfort se retrouve composée de  quatre entités appartenant à des sociétés juridiquement distinctes : un établissement de GEC-Alsthom Electromécanique, un de GEC-Alsthom-Transports, un de GEC-Alsthom -  Cycles combinés (5 700 salariés à eux trois) et d’une entreprise, Européan-Gas Turbines (EGT) (1850 salariés), elle-même filiale de GEC-Alsthom et de l’américain GECo.

          Rappelons qu’après la privatisation de la CGE, en 1987, Alsthom s’était allié, en 1989, au groupe britannique GEC pour former GEC-Alsthom. Pour Belfort, une des premières conséquences de ce mariage fut la filialisation de l’activité turbines à gaz par la création, avec l’américain GECo à hauteur de 10%, d’Alsthom-Turbines Gaz (ATG). ATG connait un développement rapide, ses effectifs passent de 948 à 1650 salariés entre 1988 et 1992. La Société, qui absorbe ses concurrents allemands en 1991, change de nom en octobre de la même année pour devenir Européan-Gas Turbines. Si ses ateliers de montage et ses bureaux d’étude demeurent sur le site de Belfort, l’expansion spatiale des ateliers de fabrication s’effectue sur le site Bourogne.

         En 1994, l’existence de ces quatre entités n’a pas encore cassé, parmi leurs salariés,  le sentiment  d’appartenir à une même «  famille ». EGT n’est après tout qu’une filiale du groupe GEC-Alsthom et l’expérience acquise en  commun est toujours intacte.

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Ambiance de travail et revendications :

       La course à la réduction des coûts de production engendre une réduction des effectifs avec pour conséquence des déplacements de plus en plus fréquents des ouvriers d’une machine à

l’autre, d’un chantier à un autre. C'est ce que la direction appelle la polyvalence. Quand le temps d’adaptation au poste est insuffisant ou que les consignes de sécurité sont mal transmises, les risques d’accidents se multiplient.

       En 1994, deux ouvriers de GEC-Alsthom meurent des suites d’un accident du travail. José Ponvianne le 11 mai et Bozidar Jorskovic le 17 octobre. Le 21 octobre, 5 à 600 ouvriers et employés se réunissent au bâtiment 307, à l’appel de la CGT, CFDT et FO pour manifester leur colère. Prenant la parole au nom des trois syndicats, le délégué CFDT Michel Sandoz dénonce que « cette situation d’insécurité est engendrée par le slogan « réduction des temps réduction des coûts ». Nous sommes à l’usine pour gagner notre vie et non pour la perdre ou y laisser notre santé. »

       Aussi bien à GEC-Alsthom qu’à EGT, chez les ouvriers comme chez les employés, techniciens ou ingénieurs, l’ambiance de travail est mauvaise. Tous ont le sentiment de n’être que « des bêtes à produire ». Les qualités humaines sont méprisées, les qualifications ne sont pas reconnues et les salaires stagnent. Conséquence de cette réduction des coûts, les bénéfices explosent et les dirigeants s’en vantent. L’un d’entre eux, Pierre Suard, PDG d’Alsthom-Alcatel, la maison mère de GEC-Alsthom, se présente comme « premier de la classe » pour avoir battu le record de France des bénéfices nets tout en ayant des démêlés avec la justice pour avoir fait payer par la Société des frais attenants à ses résidences personnelles.

       Mélange de colère rentrée et de résignation, le malaise est général.

 

​Les évolutions sociologiques et syndicales à EGT.

        Depuis qu’elle existe, l’usine Alsthom de Belfort est composée en majorité d’ouvriers. Or, le développement d’EGT se fait essentiellement par l’embauche d’ingénieurs et de techniciens.

En conséquence, le collège ouvrier ne représente plus que 47% du total des effectifs (1563) aux élections professionnelles de juin 1993. Si la CGT demeure quasiment hégémonique parmi les ouvriers (83,5% des suffrages exprimés, contre 16,5% pour la CFDT), contre toute attente, elle se retrouve également majoritaire au second collège avec 44,4% des exprimés (CFDT : 25,6%, CGC : 30%). Alors que les «  bureaux » des Turbines à Gaz de l’Alsthom d’avant la filialisation étaient considérés comme le « fief » de la CFDT.

       Sur l’ensemble GEC-Alsthom et EGT (avec Bourogne), les élections de délégués du personnel de juin 1993 donnent 43,4% des exprimés à la CGT, 31,1 à la CFDT, 11,8 à FO 9,8 à la CGC et 4% à la CFTC.

     

EGT- Bourogne.

        Située à 10 km au sud de Belfort, l’usine de Bourogne avait été créée par Alsthom dans les années 60 en bordure du canal du Rhône au Rhin dans la perspective de profiter d’un port fluvial sur une voie d’eau qui devait être mise au grand gabarit. Si le grand canal ne vit jamais le jour, les ateliers de Bourogne perdurèrent vaille que vaille au gré du vent des stratégies industrielles et des restructurations d’Alsthom. Ils sont un Etablissement de la CETAG (Compagnie Européenne des Turbines à Gaz, créée avec l’américain Général Electric)) de juin  1973 à juillet 1978. Puis redeviennent à 100% Alsthom avant d’être cédés à ATG lors de la filialisation de 1989.

        En 1994, le site de Bourogne, qui compte environ 600 salariés, est donc un « atelier » d’EGT sans avoir le statut d’établissement. Au niveau de la représentation du personnel, il n’a pas de Comité d’Etablissement propre mais il possède ses délégués du personnel. Au niveau syndical, la CGT est largement majoritaire parmi les 400 ouvriers, la CFDT est présente parmi les techniciens et employés. Autre caractéristique importante, la majorité des ouvriers est composée de jeunes professionnels embauchés depuis moins de quatre ans, parmi lesquels la CGT a su faire des adhérents.

      Ce sont ces jeunes qui, le matin du lundi 24 octobre, posent les outils et ferment le portail de l’usine qu’ils décorent d’une banderole :   «  En grève. Tous avec nous ! »

     Baptisés « les apaches de Bourogne », ils feront l’objet, pendant et après le conflit, de nombreux reportages dans les médias nationaux.

 

LE FIL DES EVENEMENTS.

1er Acte. 24 – 26 Octobre. EGT, d’abord Bourogne, puis Belfort.

       Le matin du 24 octobre, à 5 h, au moment de prendre leur poste, les jeunes de l’équipe du matin discutent entre eux et décident de se mettre en grève. Ils ferment les portes de l’usine, rédigent un cahier de revendications. Rejoints par leurs camarades des autres équipes, ils sont une bonne cinquantaine à occuper l’usine en fin de matinée. Il n’y a pas eu de mot d’ordre syndical. « Le mouvement vient de la base. Les jeunes ont pris leurs problèmes à bras-le-corps avant que les syndicats n’entrent dedans » déclare Gilbert Betzler le secrétaire du syndicat CGT du site. (Le Pays du 25/10/94).

         Ces jeunes sont déterminés et savent ce qu’ils veulent. L’Est Républicain du 25 octobre leur donne la parole : Michaël, tourneur : « J’ai 22 ans, j’ai été embauché en janvier 1992. Je travaille en équipes, soit de 4h à midi, soit de midi à 20h30. Tout cela pour moins de 6000 Francs par mois. Compte tenu de l’augmentation de la CSG, je gagne mois qu’il y a dix-huit mois. Cependant, ce qui me choque encore plus c’est que j’ai le sentiment que l’on se moque de moi et que mon travail n’est pas reconnu à sa juste valeur ; ce qui devrait être tout de même possible compte tenu des bénéfices que fait l’entreprise. » Jean-Michel, tourneur à EGT depuis quatre ans souligne la médiocrité de son salaire et ajoute : « L’une des choses qui m’irrite le plus, c’est la manière dont nous sommes traités. On nous considère comme des machines qui doivent toujours produire plus, au milieu de l’huile, des copeaux, dans des conditions de travail qui sont de plus en plus difficiles. Nous n’en pouvons plus. Où est le respect humain dans

tout cela ? » Leur camarade, du même âge, Gil Macedo, délégué du personnel CGT confirme leurs propos : « les revendications formulées sont totalement légitimes et il faut que la direction les accepte. »

     Un tract est distribué par la CGT en fin de matinée. Il reprend quatre revendications de fond : les salaires, l’embauche en CDI des salariés en CDD, la retraite à 55 ans et la répartition des profits de l’entreprise. Du côté de la CFDT, on se montre plus circonspect, attendre et voir.

       Un entretien est demandé à la direction qui le refuse tant que les grilles sont fermées et occupées par la soixantaine de grévistes. Ceux-ci maintiennent leur position jusqu’au soir.

       Le lendemain, mardi 25 octobre, l’assemblée générale des grévistes décide de suspendre la fermeture des portes pour permettre l’ouverture de discussions. La direction les reçoit, écoute les revendications et promet une réponse pour ... la

semaine suivante. La grève se poursuit mais libre accès à l’usine est maintenu.

       Le matin du 26 octobre, il y a du monde devant la grille de l’usine, mais à part les cadres, peu de salariés se rendent au travail, 20 à 25 personnes sont dans les ateliers. Les techniciens et employés rejoignent le mouvement. La CFDT apporte son soutien. Un cahier de revendications est rédigé. De passage dans la région, un membre du bureau fédéral de la Métallurgie CGT, Jean-François Carré vient saluer les grévistes et déclare : « Les travailleurs de Bourogne donnent l’exemple. »

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 Le 26 octobre, au moment où la grève s’étend à Bourogne, sur le site EGT de Belfort, à 10h, à l’appel des syndicats CGT et CFDT, les ouvriers se rassemblent dans le bâtiment 1 et votent la grève à leur tour. Ils sont vite rejoints par les techniciens et le personnel des bureaux. En fin de matinée, la totalité d’EGT est paralysé.

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Le matin du 26 octobre, les techniciens et employés devant le bâtiment de la direction d’EGT à Belfort…

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Et à l'intérieur de l'usine

        Une délégation forte de 150 grévistes arrive de Bourogne en milieu d’après-midi. Ils sont accueillis avec chaleur par leurs camarades belfortains dans le hall du siège de la direction d’EGT que celle-ci a déserté et que les grévistes occupent. La seule proposition de la direction d’EGT est de créer une commission d’étude sur les salaires rapporte un délégué : éclat de rire général.  A EGT, l’occupation des locaux s’organise.

     Mais la grogne est contagieuse. L’agitation gagne les divisions Transport et Electromécanique de GEC-Alsthom où assemblées générales et délégations se multiplient, sans pour autant décider d’arrêter le travail.

Acte II. 27 octobre – 8 novembre. GEC-Alsthom.

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      Jeudi 27 octobre, alors qu’EGT est toujours complètement paralysé, environ 250 salariés de GEC-Alsthom Transports se réunissent en assemblée générale l’après-midi.

Après une brève harangue des délégués syndicaux, ils décident à une large majorité des présents, à mains levées, de se mettre en grève.

A 16h, la CGT annonce une la convocation d’une AG d’Electromécanique pour le lendemain.

Les ingénieurs et cadres d’EGT, réunis au restaurant d’entreprise par la CGT, la CFDT et la CGC décident de se joindre à la grève. A Bourogne, les grilles que les grévistes avaient rouvertes le 25 sont à nouveau fermées et l’occupation de l’usine s’organise.

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     Vendredi 28 octobre, nous sommes à la veille du long week-end de la Toussaint. Le 1er novembre tombant un mardi, le lundi 31 est un jour de pont.

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Le matin du 2 novembre, place de la Liberté

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2 novembre, l’après-midi, l’occupation de l’usine est votée à mains levées.

A EGT les discussions avec la direction tournent court, celle-ci campe sur sa position de 1,1% d’augmentation décidée dès le mois d’avril. Une délégation de militants tente sans succès de rencontrer le directeur réfugié à l’hôtel Altéa.

      Chez GEC-Alsthom : bien que la CGT distribue le matin un tract titré « Ras-le bol ! Quand faut y aller, faut y aller ! », la grève votée la veille à la Traction n’est pas suivie ; dans la filiale électromécanique, une AG a réuni le matin environ 200 personnes, elle ne débouche sur aucune décision claire, sauf à se retrouver avec le personnel de EGT après le pont de la Toussaint.

 2 novembre, votes, à bulletins secrets à Bourogne et à mains levées à Belfort.

     Bourogne, devant les grilles de l’usine, 7h30 du matin. Le piquet de grève qui a campé là durant les quatre jours du long week-end de la Toussaint constate qu’à l’extérieur sont massés les 250 techniciens, employés, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres du site. « Ils nous soutiennent mais n’osent pas le dire en raison du poids de leur hiérarchie » affirme un ouvrier gréviste. (Est Républicain du 3/11/1994). Il est décidé de procéder à un vote à bulletins secrets. Des isoloirs et des urnes sont installés, le vote se déroule de 9h30 à 13h en présence de Bertrand de Saint-Julien, directeur d’EGT. Les résultats sont annoncés après le dépouillement. Sur les 600 salariés du site, il y a 452 votants et 438 exprimés, 279 pour la grève, 159 contre. Le piquet de grève est maintenu à Bourogne.

A 10h, de Saint-Julien, mesurant la détermination des grévistes,  ne mettait plus de préalable à l’ouverture de négociations

      Belfort, place de la Liberté, à l’intérieur de l’usine, 8h30. Alors que les bâtiments d’EGT sont toujours occupés, environ 250 personnes, répondant à l’appel des syndicats CGT, CFDT et FO participent au meeting. Il est décidé de tenir une nouvelle assemblée générale l’après-midi.

           A 14h15, un bon millier de personnes est massé devant les bureaux de la direction. Un appel général à la grève est lancé par CGT, CFDT et FO pour l’ensemble des filiales du site. La grande majorité des présents l’approuve en levant la main. L’occupation est décidée et les portes sont fermées. Ceux qui n’ont pas levé la main rentrent chez-eux. Le représentant de la CGC annonce un soutien passif de la part des ingénieurs et cadres : « Les cadres diront à leurs directions que ce que vous faîtes est logique. Mais ne comptez pas sur eux pour un soutien physique, ils n’ont pas le courage que vous avez ». (Est Républicain du 3/11/1994).

     La direction de GEC-Alsthom prend, comme l’a fait celle d’EGT la semaine précédente, ses quartiers dans les hôtels de Belfort.

  Du 3 au 7 novembre. Si l’ensemble de l’usine est paralysé, la grève est-elle majoritairement subie ou soutenue ?

Dans la nuit du 2 au 3 novembre, 2 à 300 grévistes occupent l’usine. Au matin du 3 novembre, les 3000 personnes qui se rendent à l’usine trouvent portes closes. Ont-ils vraiment l’intention d’aller

travailler en forçant l’ouverture ? De part et d’autre de la grille on s’observe, on discute. Il n’y a pas de tension palpable. Les dirigeants syndicaux prennent la parole : « les revendications des EGT sont les mêmes que celles des Alsthom ; la grève qui dure depuis une semaine à EGT ne peut pas s’arrêter là. Tout le monde doit entrer dans le mouvement ». La CGT lance l’idée d’improviser une manifestation en ville, hésitations pendant une demi-heure, puis, petit à petit, la foule se disperse, les gens rentrent chez-eux, quelques-uns rejoignent les piquets de grève et un maigre cortège de 150 personnes se rend à l’hôtel Altéa.

    Dans la matinée, la direction d’EGT annonce qu’elle concède une augmentation de 150F pour les salaires inférieurs à 7000F et de 100F pour les salaires compris entre 7000 et 7500F. Cela ne concernerait que 220 salariés sur les 1860 que compte EGT. On est loin des 1 500F pour tous exigés par les grévistes. Lorsque les délégués en rendent compte, ces propositions sont copieusement sifflées par les grévistes, les soumettre à un vote n’est même pas envisagé.

   Dans l’après-midi, les cadres d’EGT qui se déclarent non-grévistes sont réunis par la direction au foyer rural de Bourogne. Un journaliste de L’Est Républicain présent rapporte que, loin d’être hostiles au mouvement, les cadres font part de leurs griefs qui rejoignent les revendications des grévistes : l’amélioration des salaires et surtout, celle des relations humaines. Les méthodes de gestion, « venues d’outre-Atlantique », sont vilipendées.

Vendredi 4 novembre.

    Environ 3 500 personnes se retrouvent devant la porte principale à 8h30. La grande majorité ne manifeste aucune intention d’aller travailler. On vient aux nouvelles. Les dirigeants syndicaux font le point de la situation : La direction de GEC Alsthom considère que la grève et l’occupation sont illégales et refuse toute négociation. La direction d’EGT lâche 50F d’augmentation supplémentaire à ses propositions de la veille. Encore copieusement huées, cette concession sera éventuellement soumise au vote la semaine prochaine. Les syndicats, applaudis par la foule, campent sur les 1500F pour tous, l’amélioration des conditions de travail et des négociations globales et non par filiales. Ils demandent la médiation de l’Inspecteur du Travail.

        Les huissiers commis par la direction, venus constater l’occupation en vue d’une action en justice, sont copieusement hués.

       Le Bâle-Paris de 9h30 est arrêté par les grévistes à hauteur de la porte des Trois Chênes. Des grévistes montent à son bord pour distribuer des tracts.

       En fin d’après-midi, les directions d’EGT et GEC-Alsthom saisissent le juge des référés pour qu’il prononce l’illégalité de la grève et l’évacuation des sites de Belfort et Bourogne. L’audience est prévue pour le jeudi 10 novembre.

       Dans la nuit de vendredi à samedi un groupe indéterminé vient provoquer le piquet de grève de Bourogne, mais les coups sont évités et l’incident se limite à un échange de quolibets.

       La deuxième semaine de grève  s’achève. Les médias nationaux commencent à s’en faire l’écho.

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Lundi 7 novembre.

       Aussi bien à Bourogne qu’à Belfort, les grévistes restent déterminés. Mais sont-ils la majorité ? Les directions se sont activées tout le week-end pour rattrouper des non-grévistes  afin qu’ils se manifestent lundi matin.

A l’écart des rassemblements du matin, les cadres non-grévistes signent la feuille de présence sur le parking.

 

       A 8h30, ils sont plus de 3 500 rassemblés devant la porte des Trois Chênes. Dans la foule, il y a les franchement pour la grève, les franchement contre, mais la majorité semble être ni pour, ni contre, elle attend.

C’et Joël Niess de l’UFICT-CGT (Union nationale des ingénieurs, cadres et techniciens) qui prend la parole au nom de l’intersyndicale. Son intervention est perturbée par les cris de « liberté du  travail ! » scandés par plusieurs dizaines de non-grévistes, des cadres essentiellement. Les membres du piquet de grève leur répondent par des quolibets peu flatteurs. Pour autant, la « chorale » des non-grévistes n’est pas relayée par la majorité des présents et le meeting se poursuit sans incidents. Après avoir rappelé la principale revendication d’une augmentation de 1500F pour tous, Joël Niess conclu par un appel à une grande manifestation pour le lendemain matin.

    Scénario similaire à Bourogne. Antoine de Porquery, le directeur  du site, flanqué de quelques cadres vient provoquer le piquet de grève.

« Je déplore que les syndicats ne veuillent pas procéder à un nouveau vote concernant la poursuite du mouvement. Les gens qui désirent travailler sont certainement plus nombreux que ceux qui bloquent l’usine ».

« Peut-être », réplique un membre du piquet de grève, « Pour autant, cela ne signifie pas que les salariés qui sont à l’extérieur soient totalement d’accord avec la direction ». Propos confirmés par des techniciens présents qui, tout en signant les feuilles de présence présentées par la maîtrise déclarent : « Nous partageons les revendications de ceux qui font grève, mais nous avons des familles à nourrir, c’est pour cela que nous voulons bosser ». (Est républicain du 8/11/1994). Le journaliste ne dit pas que ceux qui font grève ont aussi des familles à nourrir et que c’est pour mieux les nourrir qu’ils sont en lutte.

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A l’écart des rassemblements du matin, les cadres non-grévistes signent la feuille de présence sur le parking.

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